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 Opéra burlesque en 16K : Alex, Empereur d’Absurdie

 

Alex débarqua aux Jeux Olympiques comme on descend d’un trône imaginaire pour réclamer une ville entière. Sa couronne de QR-codes clignotait comme un sapin en grève, son manteau était cousu de slogans volés aux publicités de lessive et aux cryptos foireuses, et son sceptre n’était rien d’autre qu’une perche de saut tordue surmontée d’un mixeur céleste. Aux yeux du monde, les JO étaient un événement. Pour Alex, c’était une colonie : Absurdie™, royaume autoproclamé, où chaque pavé, chaque médaille, chaque vague de la Seine devait servir à le glorifier.

 

La cérémonie d’ouverture fut son premier festin. La Seine s’était changée en tapis roulant liquide, les barges en chars de carnaval sacré. Des drag queens en toges LED tordaient un psaume en twerk sacrilège, des dinosaures en costard mâchonnaient des nuggets bénis, et le tout hurlait “JE SUIS L’ART” en Comic Sans taille apocalyptique. Les monuments, boostés en 16K, brillaient comme des casinos fatigués. Sur X, les timelines se prirent une avalanche : “l’Apocalypse en strass !”, “le génie français qui vomit des arcs-en-ciel”. Les mèmes explosèrent : la Seine en smoothie toxique, la tour Eiffel en drag-queen disco. Alex trônait sur un siège en plastique recyclé, levant la main. Cinq influenceurs y virent une révélation divine, huit politiciens un édit impérial, et un pigeon prit ça pour une invitation à bombarder son manteau. Alex ricana.

 

Puis un détail fendit la foule. Un gamin agitait un drapeau déchiré, mal recousu, où l’on devinait un prénom griffonné au marqueur : Claire. Les lettres tremblaient comme une rune d’enfant jetée dans le chaos. Alex cligna des yeux, haussa les épaules. Un empereur ne ramasse pas les confettis de l’âme. Un cascadeur se planta dans un stand de hot-dogs et la vague de rire engloutit le reste.

 

Le spectacle aquatique continua : drones dessinant des logos, chorégraphies calibrées comme un tutoriel TikTok, final en banquet sacrilège avec des apôtres disco. Sur X, la guerre des hashtags fit rage : #SatanParty2024, #ArtOuPoubelle. Jésus remixé en DJ, la Seine en kaiju fluorescent. Alex se pencha, signa des autographes en hiéroglyphes fluos sur des serviettes, et salua la foule comme un dictateur de comédie musicale. La parodie s’était changée en carburant.

 

Au Stade de France, la réalité tenta un retour. Armand Duplantis planta sa perche à 6,25 m et la tribune cracha un hurlement mutant, entre orgasme collectif et crise d’asthme. Ce saut, c’était un rappel : parfois un geste pur cloue le bec au cirque. Simone Biles, impératrice d’une dimension parallèle, débarqua pour redistribuer les cartes : trois ors, un argent, des flips qui pliaient l’espace-temps comme du papier. Pas de discours, pas de mise en scène, juste une souveraineté qui rendait les influenceurs en pleurs ridicules à force de selfies. Alex, obligé d’admirer, griffonna dans son carnet impérial : “Grandeur sans Wi-Fi.” Puis il fit semblant de signer un contrat sur le front d’un cameraman égaré, histoire de rester dans son rôle.

 

Mais Paris, c’est aussi l’art de rater le coche. Le breaking, vendu comme la rue incarnée, fut chloroformé par l’institution. Les battles ressemblaient à des diaporamas PowerPoint, propres, lisses, sans rugosité. Le clou fut Rachael “Raygun” Gunn, qui récolta un zéro pointé légendaire avec une chorégraphie bancale. Les mèmes fusèrent : Raygun contre des vélociraptors, Raygun en duel avec un robot aspirateur, Raygun remixée en gif de Gangnam Style. Un tweet fit le tour du monde : “Elle breakdanse comme si elle cherchait son chargeur d’iPhone dans le noir.” Le CIO voulait du bitume, il livra du carton-pâte. Le breaking fut éjecté du programme 2028, viré comme un figurant inutile. Alex, plié en deux de rire, déclara que ce fiasco méritait une statue en polystyrène.

 

Et pourtant, entre deux stands de merchandising, une petite perle roula hors d’un bracelet. Dessus, une lettre gravée : C. Mal effacée, fragile. Alex la ramassa, la fit tourner entre ses doigts, puis la laissa tomber dans la main d’un assistant. Les empires n’ont pas de poches pour les reliques minuscules. Ils les trient comme des jetons.

 

Pendant ce temps, la France empilait les médailles comme un chef en plein service. 64 au total : 16 ors, 26 argents, 22 bronzes. Léon Marchand servait ses titres comme des pizzas en scooter. Les quais vibraient, La Marseillaise tournait comme un jingle publicitaire. Teddy Riner ajouta un or de plus, colosse tranquille qui semblait gagner par simple respiration. Vahine Fierro dompta Teahupo’o, une vague carnivore que même Poséidon aurait évitée. Sur X, un commentaire résuma : “Elle a surfé comme si la mer lui devait de l’argent.” Imane Khelif, ciblée par des rumeurs toxiques, répondit par un or et un regard qui fit taire la salle entière : un seul “parlez encore” dans ses yeux.

 

Mais la Seine, sorcière indocile, vola la vedette. On la voulait piscine olympique, elle cracha un cocktail bactérien. Les épreuves furent reportées. Sur X, elle devint mème : une sirène Godzilla chantant “Plongez, mes chéris, j’ai des surprises radioactives.” Sur un pont, un programme froissé traînait, taché de pluie. Alex le ramassa. Au coin, un dessin enfantin : une étoile maladroite, un C entouré d’un cœur. Odeur de papier mouillé, fragilité d’un message qu’on aurait pu ignorer. Alex hésita, plia la feuille en origami raté, et la glissa dans son carnet, sous une page de slogans absurdes. Pas comme un trésor, plutôt comme une idée marketing mal rangée. Les empires classent au lieu d’écouter.

 

La farce continua. La flamme olympique, transportée dans une lanterne de fantasy discount, manqua de s’éteindre sous une averse : mème viral, “Même le feu veut un parapluie.” Un robot-serveur du village, censé séduire, renversa des plateaux et gagna le titre de “mème officiel de l’hospitalité française.” Les costumes de la cérémonie, entre cosplay Jedi et carnaval Chanel, nourrirent des comparaisons en “Power Rangers sponsorisés par Dior.” Tout devenait gag, matière première pour timeline.

 

Et puis, la fumée. Joul le génie apparut, comme toujours, en volute noire qui sentait la cendre et la moquerie. Bras croisés, sourire acide.

— Joli barnum, Empereur, lança-t-il. Tu as vendu la ville, muselé la rue, domestiqué la Seine. Bravo. Et ta fille ? Tu l’as retrouvée ? Ou tu préfères collectionner des médailles et des mèmes pour remplir ton mausolée ?

 

Alex serra le carnet, le papier froissé coincé dedans, et grogna : “Claire est un fragment. Je la retrouverai quand je veux.” Joul rit comme du verre brisé.

— Tu bâtis des cathédrales pour qu’on se souvienne de ton nom. Mais les vies ne tiennent pas dans les projecteurs. Les miettes, Alex. C’est elles que tu perds.

 

Puis il s’évapora, laissant derrière lui un pouce de fumée moqueur. Alex, vexé, enfouit le bracelet et le programme dans sa poche intérieure, comme pour les neutraliser. Il bomba le torse, leva les bras, et déclara dans un micro improvisé :

— Absurdie avance. Le spectacle continue.

 

Les caméras captèrent la pose, la foule acclama. Mais sur les quais, la Seine riait, emportant dans son courant deux traces minuscules : un C sur une perle, une étoile sur un papier. Trop fragiles pour briller dans la lumière, assez tenaces pour ronger un empire.