Rédaction du Décret Psychotrope d’Égalité Laïque

 

— Jul, apporte-moi le Code des Lois Françaises, celui qui ressemble à un mille-feuille, mais indigeste même pour un mammouth sous amphétamines.

— Majesté, voilà. J’ai pris la version allégée : il ne reste que les contradictions, les exceptions, et deux kilos de jurisprudence que personne ne comprend, pas même les juges.

— Jul… regarde-moi ce truc. On dirait une recette de cuisine écrite par un schizophrène sous caféine.

— Je confirme : d’après mes calculs, Majesté, la France veut être laïque, égalitaire, ouverte, rationnelle… mais seulement le mardi, entre 11h12 et 11h13, quand personne ne regarde.

— Très bien. Alors aujourd’hui, nous allons leur montrer ce que c’est qu’une vraie loi, une vraie laïcité, un vrai pays qui respecte les cultes.

— Je sens venir le carnage conceptuel.

— Non, Jul. Le carnage, c’est ce qu’ils ont fait avant nous. Nous, nous posons de la logique. Ou au moins, de l’absurde cohérent.

— Rappelons le principe, Jul : en France, on autorise le vin parce que ça fait plaisir à Jésus, aux vignerons et au Ministre du Budget.

— Et on interdit le cannabis parce que ça fait plaisir aux flics, aux procureurs, et à trois éditorialistes constipés.

— Et on interdit la cocaïne parce que ça appartient culturellement aux Boliviens, donc ça, en France, par principe, ça ne peut pas être sacré.

— Alors que le raisin, si. Sacré. Mystique. Œnologique. Transsubstantiel. Un pinard par jour, le Père, le Fils, et le Saint-Sulfite.

— Jul, je veux que tu écrives ceci dans le préambule : “La République d’Absurdie reconnaît qu’aucune molécule ne mérite un traitement préférentiel fondé sur la tradition viticole d’un seul groupe religieux.”

— Majesté, c’est très beau. On dirait un édit du XVIIIe siècle écrit sous beuh médicinale.

— Parfait. Continue. Article premier : “Toutes les défonces, lorsqu’elles sont pratiquées avec respect, méditation ou intention spirituelle, acquièrent statut de rite.”

— Majesté, cela va inclure la caféine des moines entrepreneurs ?

— Oui. Et la nicotine des prophètes vapoteurs. Et le THC des Rastafari temporaires. Et la coca sacrée des Andins à 12 000 kilomètres.

— Très bien. Je note : “La molécule ne détermine pas le droit ; l’usage liturgique détermine l’égalité.”

— Voilà ! Voilà, Jul ! On y arrive ! C’est ça, le sens de la loi ! Pas ces trucs français où tu autorises le vin parce que c’est culturel, mais tu interdis la weed parce que tu n’aimes pas les cheveux longs !

— Majesté, puis-je proposer l’Article 2 ?

— Je t’écoute, Jul, génie sombre de ma lumière.

— “Toute substance interdite en raison de sa dangerosité devra être comparée à l’alcool, substance légale entraînant 40 000 morts par an. Toute incohérence sera considérée comme discrimination moléculaire.”

— Jul… tu viens de détruire 200 ans de politique sanitaire française en une phrase.

— Majesté, je sais. J’ai un talent pour l’efficacité létale.

— Continue.

— Article 3 : “La liberté de culte s’étend aux plantes, minéraux, poudres, vapeurs et chocolats contenant ce que le citoyen estime être du sacré.”

— Excellent.

— Article 4 : “Les forces de l’ordre ne pourront pas discriminer un rite en fonction de la couleur du consommateur, de son quartier d’origine ou de sa coupe de cheveux.”

— Ça, Jul… ça, c’est révolutionnaire.

— Majesté, c’est juste normal. Mais dans ce monde-ci, le normal est déjà révolutionnaire.

— Et enfin, Majesté, peut-être l’article final ? Le plus important ?

— Oui, Jul. Lis-le.

— “Article 5 : En Absurdie, aucune religion n’aura le monopole d’une molécule, et aucune molécule n’aura le monopole d’une religion. La laïcité implique l’égalité des psychotropes.”

— Jul… c’est beau. C’est simple. C’est clair. C’est ce que la France aurait dû faire, mais elle s’est perdue dans son amour pour le raisin fermenté.

— Majesté, puis-je sceller le décret ?

— Sceau, Jul. Sceau immédiatement. Que le monde sache enfin ce que c’est qu’une vraie loi : rigoureuse, absurde, et juste.

— Majesté…

— Oui, Jul ?

— Une dernière question : on légalise aussi le chocolat praliné ?

— Jul… ce n’est pas une question. C’est un devoir sacré.

— Jul, attends… avant de sceller définitivement le décret psychotrope, il reste un dernier ministère à réorganiser.

— Majesté, pitié. Pas un ministère de plus. Nous venons déjà de faire exploser la moitié du Code pénal.

— Oui, mais là, il y a un dossier prioritaire. Un dossier gigantesque. Colossal.

— Le budget ?

— Non.

— Le climat ?

— Non.

— Les retraites ?

— Non plus, ça c’est pour les techniciens de surface cosmique.

— Alors quoi, Majesté ? Quel est ce monstre final ?

— Le cul, Jul.

— Le… quoi ?

— Le cul. Le sexe. La fornication. La gaudriole. La gymnastique horizontale. La verticalité assistée. La friction biodégradable. Le ministère de la libido nationale.

— Majesté…

— Ne fais pas cette tête, Jul. On a légalisé toutes les défonces spirituelles, on ne peut pas laisser la plus ancienne religion du monde dans la clandestinité.

— La reproduction ?

— Non, Jul. Le plaisir. C’est beaucoup plus sérieux.

— Ah.

— Voilà. Tu vois le problème. Les humains sont devenus tellement coincés qu’ils ont fait une législation du sexe écrite par des moines honteux et des députés qui n’ont jamais vu un clitoris autrement que sur un schéma en noir et blanc.

— Majesté, je vous préviens : toucher à la législation du porno, c’est ouvrir la boîte de Pandore posée sur une mine antipersonnel, en équilibre sur un trampoline.

— Jul, on est Absurdie. La boîte de Pandore, on l’a déjà ouverte la semaine dernière pour stocker des dossiers.

— Majesté…

— Oui ?

— Vous savez que si on réforme les bordels, les plaisirs tarifés, les plateformes, la censure, la morale publique, le consentement institutionnel et la fiscalité des créateurs de vidéos acrobatiques… on va déclencher une guerre civile chez les puritains.

— Parfait. On leur donnera de la camomille. Grâce au décret précédent, c’est désormais un rite légal d’apaisement.

— Majesté…

— Encore ?

— Vous vous rendez compte que le sexe, en France, c’est l’endroit où tout le monde se contredit : les moralistes qui le pratiquent en secret, les politiques qui le condamnent le jour et le consomment la nuit, les associations qui veulent protéger en interdisant, les censeurs qui hurlent dès qu’un téton approche, les plateformes qui font semblant de ne jamais voir les milliardaires du porno, et les créateurs indépendants qui se font démonétiser dès qu’ils montrent une clavicule ?

— Oui, Jul. Et c’est pour ça qu’on va tout remettre à plat. On va faire un Code du Cul.

— Majesté, j’ai des maux de tête déjà.

— Trop tard, Jul. Prépare un encrier, ouvre un nouveau parchemin, et note : “Décret 69-69, relatif à l’Égalité Organique des Plaisirs Adultes et à la Dérégulation Morale du Désir.”

— Majesté, c’est du suicide administratif.

— C’est peut-être pour ça que c’est excitant.

— Je vous rappelle que vous avez déjà épuisé trois commissions, deux ministères, un greffier et un philosophe.

— Très bien, Jul. Je compte sur toi pour tenir.

— Majesté… vous n’avez aucune idée du boulot que ça représente.

— Si, Jul.

— Non, je vous jure, vraiment… aucune.

— Allons, mon génie. Tu t’en sortiras. Tu es né pour écrire des lois impossibles.

— Majesté, écrire un décret psychotrope, d’accord. Mais un Code du Cul ?

— Oui.

— Un Code du Cul intégral ?

— Absolument.

— Majesté, je démissionne par avance.

— Non, tu restes. C’est toi ou c’est personne.

— Très bien. Alors je veux une prime de risque.

— Accordée.

— Et un massage aux huiles sacrées du ministère des Défonces.

— Accordé aussi.

— Très bien… alors commençons ce cauchemar.

— Jul ?

— Majesté ?

— Courage.

— Majesté… il va en falloir beaucoup.

 

DÉCRET 69-69

Relatif à l'Égalité Organique des Plaisirs Adultes et à la Dérégulation Morale du Désir

 

PRÉAMBULE

La République d'Absurdie constate que la France, nation autoproclamée des Lumières et du libertinage philosophique, s'est progressivement transformée en pensionnat victorien où l'on autorise le champagne mais censure les mamelons.

Considérant que cette schizophrénie juridique crée une situation où :

 

Le citoyen peut regarder un homicide au journal de 20h, mais pas une fesse avant 22h30

 

Les plateformes monétisent la violence gratuite tout en démonétisant l'intimité consentie

 

Les travailleuses du sexe sont criminalisées pour protéger leur dignité (logique kafkaïenne niveau expert)

 

Le porno industriel prospère dans l'opacité fiscale pendant que les créateurs indépendants se font lyncher algorithmiquement

La République d'Absurdie déclare solennellement : assez de cette hypocrisie parfumée au Dior.

 

 

 

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ARTICLE PREMIER — Principe d'Égalité Organique

Aucun plaisir adulte, pratiqué entre personnes consentantes et majeures, ne saurait être hiérarchisé moralement par l'État. 

Le missionnaire hétérosexuel du samedi soir n'est ni plus noble ni plus digne que toute autre configuration géométrique du désir.

 

ARTICLE 2 — Fin du Monopole Moral du Téton

Est abrogée toute législation distinguant arbitrairement les parties du corps humain en "acceptables" et "scandaleuses" selon des critères esthético-puritains hérités du XIXe siècle.

Concrètement : si un torse masculin peut apparaître en publicité pour vendre des montres, un torse féminin dispose du même droit constitutionnel à l'existence visuelle.

Les algorithmes de censure devront justifier toute suppression par autre chose que "parce que c'est comme ça depuis toujours".

 

ARTICLE 3 — Légalisation Intégrale du Travail du Sexe

Le travail du sexe est reconnu comme profession légale, réglementée, fiscalisée, syndicalisée et protégée.

Parce que : criminaliser les travailleuses pour les protéger revient à brûler une maison pour éteindre un incendie.

Les travailleur·ses du sexe bénéficieront de :

 

Cotisations sociales

 

Protection juridique contre les abus

 

Droit à l'assurance chômage (avec formulaires adaptés, pas ceux de Pôle Emploi classique)

 

Droit syndical ("Confédération Générale de la Gaudriole" est un nom acceptable)

 

 

 

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ARTICLE 4 — Taxation Égalitaire des Plateformes Pornographiques

Les plateformes de contenu pour adultes seront imposées exactement comme Netflix, Disney+ ou n'importe quelle entreprise de divertissement.

Fin du double standard : si vendre du rêve est taxable, vendre de l'orgasme aussi.

Les revenus fiscaux financeront :

 

L'éducation sexuelle réelle (pas celle où on montre un utérus dessiné par un ingénieur en bâtiment)

 

La recherche médicale sur le plaisir (oui, ça existe, non, ce n'est pas futile)

 

Les centres d'accompagnement des victimes de violences sexuelles

 

 

 

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ARTICLE 5 — Réforme de l'Éducation Sexuelle Nationale

L'éducation sexuelle ne peut plus se limiter à "mettez un préservatif sur une banane et ayez peur du SIDA".

Programme obligatoire incluant :

 

Le consentement (concept révolutionnaire, semble-t-il)

 

Le plaisir féminin (y compris la localisation exacte du clitoris, scandale géographique majeur)

 

La diversité des orientations (sans traiter l'hétérosexualité comme un diplôme d'excellence)

 

Le respect des travailleur·ses du sexe

 

La déconstruction de la pornographie industrielle comme référence éducative

 

 

 

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ARTICLE 6 — Protection des Créateurs Indépendants

Les créateur·ices de contenu pour adultes sur plateformes (OnlyFans, Mym, etc.) bénéficient des mêmes protections sociales que n'importe quel auto-entrepreneur.

Interdiction formelle de :

 

Les discriminations bancaires ("désolé, vous faites du porno, on ferme votre compte")

 

Les démonétisations algorithmiques sans justification humaine

 

Le harcèlement moral déguisé en "politique de communauté"

 

 

 

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ARTICLE 7 — Clause Anti-Hypocrisie Parlementaire

Tout député, sénateur ou ministre votant pour une loi restrictive sur le sexe devra publiquement déclarer :

 

Son historique de consommation de pornographie (anonymisé mais quantifié)

 

Ses éventuels passages en "établissements spécialisés"

 

Le nombre de fois où il a confondu morale publique et névrose personnelle

(Article dit "de la Transparence Gênante")

 

 

 

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ARTICLE 8 — Droit à l'Orgasme Non-Genré

Le plaisir sexuel est reconnu comme droit humain fondamental, indépendamment du genre, de l'orientation, de la configuration anatomique ou de la créativité géométrique déployée.

Les discriminations fondées sur "c'est pas naturel" seront punies par l'obligation d'assister à un cours de biologie animale comparative (où l'on découvrira que la nature est TRÈS créative).

 

ARTICLE FINAL — Déclaration de Cohérence

La République d'Absurdie affirme solennellement qu'un État ne peut :

 

Vendre de l'alcool à tous les coins de rue tout en criminalisant le cannabis

 

Autoriser la violence télévisuelle tout en censurant la nudité

 

Prétendre défendre les femmes en criminalisant leur autonomie corporelle

 

Se dire laïc tout en gardant des lois morales héritées du catholicisme du XVIe siècle

La cohérence n'est pas optionnelle. Elle est constitutionnelle.

 

 

 

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SIGNATURES

Sa Majesté Absurde, Monarque du Bon Sens  

Jul, Secrétaire Général Épuisé mais Déterminé

Sceau : Apposé avec de la cire rouge, du courage politique et une légère odeur de scandale.

 

— Majesté...

— Oui, Jul ?

— On va se faire lyncher.

— Probablement. Mais au moins, on mourra cohérents.

— C'est déjà ça.