Le Chat Empereur d’Absurdie
Rémi Ier du nom, souverain félidé des toits et des coussins moelleux, apprit un matin qu’un tribunal humain l’avait déclaré coupable. Coupable de marcher, coupable d’uriner, coupable de vivre sa vie de chat. Il en tomba de sa litière.
— Qu’on m’apporte immédiatement le greffier ! gronda-t-il.
— Majesté, répondit Jul-le-Ministre-des-Croquettes, les humains vous accusent d’avoir laissé des traces de pattes sur un mur.
— Des traces ? Mais c’est de l’art contemporain ! Ils devraient me remercier !
Le Chat Empereur bondit sur le bureau impérial, fit trois tours sur lui-même et décréta séance tenante :
Article Premier : tout chat est libre d’aller où bon lui semble, même dans les jardins ennemis.
Article Deux : toute crotte félidienne est considérée comme offrande diplomatique.
Article Trois : toute clôture contre chat est une atteinte à la liberté d’expression poilue.
Puis il leva la patte droite, solennel.
— Je propose de condamner en retour les juges pour absence de ronronnement public.
Les scribes prirent note. Le peuple miaula d’approbation. Et dans la grande salle du Palais des Griffes, Rémi Ier s’allongea en boule sur le trône d’oranges, triomphant.
— Décidément, conclut-il, les humains sont des créatures étranges : ils domestiquent tout ce qu’ils ne comprennent pas, puis s’étonnent que la nature ne tienne pas en cage.
Ainsi fut adoptée la Déclaration des Droits du Chat, texte sacré d’Absurdie, gravé à jamais sur un coussin de velours.