« Leçon de Peinture Préventive »
— Papa, pourquoi tu peins sur la dame ?
— Parce qu’on n’a plus le droit de la voir, ma chérie.
— Elle a fait quelque chose de mal ?
— Non. Elle a fait quelque chose de normal, mais à une époque anormale.
Jul ricane, fumée noire, sourire phosphorescent.
— Peins plus épais, Alex. On voit encore la liberté par transparence.
Alex soupire, pinceau dégoulinant d’orange réglementaire.
— Tu vois, Claire, dans les années 80, on pouvait rire du désir. On savait que c’était humain. On pouvait jouer avec l’ironie, l’érotisme, la provocation.
Aujourd’hui, on ne rit plus, on prévient les risques. On ne montre plus, on signale.
— Mais Papa, c’est juste une pub !
— Oui. Et c’est ça le pire : c’était juste une pub, et maintenant c’est un crime artistique en 4K.
Il trempe le pinceau.
— Regarde, on repeint les fesses de l’Histoire à la gouache morale. C’est comme mettre un slip à la vérité.
Jul éclate d’un rire enfumé.
— J’ai connu des dictatures moins tatillonnes sur la peau des statues.
Claire, intriguée :
— Et si on arrêtait de peindre ?
Alex la regarde, attendri.
— Alors on nous effacerait, ma fille. Ou pire : on nous réécrirait.
Il signe le tableau : “Validé pour incohérence.”
— Retenons ça, Claire : en Absurdie, on ne cache pas la nudité. On cache la peur qu’elle provoque.
Jul hoche la tête.
— Amen, Empereur. Et passe-moi le pot d’orange, il reste un pixel suspect.